I) Le projet de la Maison de l'Artisanat en quelques mots
Le concept
Ce projet soutenu par TERIYA et le Conseil Général des Yvelines s'inscrit dans
une démarche à long terme. L'idée est née en 2000 à l'initiative des
menuisiers soutenus par Joseph et a ensuite séduit l'ensemble des artisans de
Niéna. Il s'agit de construire un local sur un terrain de 900m² où seront
réunies les différentes couches de métiers représentées à Niéna. Cet
espace est réservé à l'exposition de la production des artisans, production
exclusivement destinée à la vente.
Les locaux
Les fondations de la Maison de l'Artisanat sont bâties au bord du "
goudron ", à proximité de la gare routière. M. Bréhima Haïdara, menuisier
et porte- parole des artisans, nous a montré les plans des bâtiments et attend
le déblocage de fonds.
Sur les 18 couches de métiers présentes à Niéna, 16 adhèrent à ce
projet à l'heure actuelle et ont accepté de payer la cotisation. Celle-ci
s'élève à 1 000 FCFA (1,52€) par mois et constitue un loyer pour une pièce
par couche de métier. La liste des artisans de Niéna (aussi exhaustive que
possible) nous a été fournie par M. Bréhima Haïdara et se trouve en annexe.
Il est important de noter toutefois que tous les métiers de l'artisanat local
n'existent pas à Niéna. Ainsi, il leur manque des potiers ou des scripteurs.
Ils ont à cette occasion manifesté leur esprit d'ouverture en affirmant être
prêts à accueillir toutes les professions intéressées qui désireraient se
joindre au projet.
A ce stade de la
présentation, il convient de préciser que les avancées seront plus rapides à
partir du moment où les artisans de Niéna auront adhéré à la Chambre des
Métiers de Sikasso. En effet, pour être reconnue par l'Etat, la Maison de
l'Artisanat doit dépendre d'un organisme officiel agréé par l'Etat. Les
démarches sont actuellement en cours. |

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II) Notre mission : le recensement
Notre prise de contact
Lorsque nous sommes arrivés à Niéna, nous avons très rapidement parlé avec
Moussa, notre guide, de notre rencontre avec les artisans. Une annonce a été
passée sur Radio TERIYA pour fixer rendez-vous, à la concession, à un maximum
d'artisans. C'est ainsi que le 13 Août nous avons établi un premier contact
avec les artisans.
Ils semblaient tous enthousiastes de nous rencontrer et là encore, nous avons
reçu un bon accueil. Il y avait une majorité d'hommes; deux femmes, toutefois
discrètes et à l'écart, ont réussi à se libérer.
Après une rapide présentation et un échange à propos du projet de son
avancée et de leur motivation, nous leur avons expliqué notre intention
d'établir des fiches de renseignements les plus complètes possibles sur les
artisans.
Notre travail sur le terrain
A partir de ce jour, nous nous sommes rendus progressivement chez des
artisans, prévenus de notre passage et disposant de temps pour
répondre à notre questionnaire. Nous avons la plupart du temps eu
recours au talent d'interprète de Moussa car rares sont ceux qui
parlent suffisamment bien le français pour soutenir une conversation. |
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Nous avons rempli une quinzaine de fiches, pris des photos et discuté avec
les artisans souvent en buvant du " thé à la malienne " (signe de
leur hospitalité). Dans la plupart des cas, ils travaillent à plusieurs.
Il s'agissait donc de savoir globalement :
- d'où ils viennent
- de quels moyens ils disposent (en termes de personnel, de matériel,
d'expérience)
- quelles sont leurs impressions sur la Maison de l'Artisanat...
Nous avons pu constater qu'il n'y a pas de profil type d'un artisan niénaka.
Ils ont toujours tous travaillé chacun de leur côté et sont bien conscients
qu'ils ont tout à gagner à se réunir.
III) Un enthousiasme général
" C'est un grand avantage ". Telle est la formule qui revenait le
plus souvent (voire même quasi-systématiquement) dans nos conversations avec
les artisans. Ce grand avantage à la fois pour le village et pour eux-mêmes se
situe à trois niveaux :
Sur le plan financier
Dès l'acceptation du dossier par la Chambre des Métiers de Sikasso, ils vont
être reconnus par l'Etat. Les conséquences financières de cette "
homologation " sont de trois ordres: plus de facilité pour l'obtention de
prêts, une renommée non plus locale mais nationale et une possibilité
d'achats groupés.
Ils vont pouvoir disposer d'un soutien financier plus solide parce qu'officiel
et les banques leur accorderont plus facilement leur confiance. C'est notamment
ce que nous a expliqué le meunier dont les investissements sont lourds et qui
attend beaucoup de ce projet.
Tout comme les Maliens et les touristes peuvent s'arrêter à la
Maison de l'Artisanat de Sikasso, ils pourront se rendre dans cette nouvelle
structure située, de plus, à proximité du " goudron ". Par cette
publicité nationale, la Maison de l'Artisanat drainera un plus grand nombre de
clients, et non plus seulement une clientèle de passage qui fonctionne sur
commandes. Les artisans vont en effet exposer leurs produits pour les mettre en
valeur et sont prêts à prendre le risque de ne pas tout vendre
instantanément.
Ils ont également été plusieurs à mettre en avant la possibilité de se
regrouper pour les achats de matériel lourd comme de matières premières. Ils
pourront ainsi réduire leurs frais de fonctionnement et faire des économies
non négligeables dans certains cas.
Sur le plan de la formation
Nombreux sont ceux qui nous ont dit qu'ils manquaient de savoir-faire et le
ressentaient au quotidien. Les sources d'apprentissage sont diverses : pour
certains, c'est une histoire de famille, de transmission du savoir de père en
fils (comme un réparateur de pneumatiques ou un bijoutier) ; pour d'autres,
leur " vocation " est venue par hasard suite à une formation ou un
emploi en tant qu'apprenti chez un artisan ou au centre social (comme c'est le
cas des teinturières).
La Maison de l'Artisanat est un outil formateur à la fois externe et interne
:
En interne, les plus anciens sont très disposés à partager leur expérience
avec des jeunes, à les former- ce que fait déjà depuis quelques temps Kassim
Togola, réparateur de motos. Ils espèrent de surcroît attirer ainsi davantage
de jeunes dans la région qui pourront s'investir dans la Maison de l'Artisanat.
Par ailleurs, en tant que membres de la Chambre des Métiers de Sikasso, les
artisans (prioritairement les jeunes et les apprentis) auront droit à une
formation plus pointue assurée par la Chambre permanente de Bamako. Le coût de
cette formation est pris en charge à 90% par la Chambre des Métiers et les 10%
restants par le jeune concerné. Cette formule est donc sans aucun doute
avantageuse pour les débutants.
Sur le plan humain

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Ils sont tous persuadés que le projet va être
bénéfique à chacun, qu'il va améliorer et faciliter leur travail au
quotidien. Mais leur vision ne se borne pas à leur propre intérêt.
La Maison de l'Artisanat va en effet mettre le village de Niéna en
avant, le faire connaître au- delà du cercle de Sikasso ; les
Niénakas en sont très fiers. Ils y voient un avenir plus florissant
pour leur village.
Leur motivation vient parfois même du simple fait que l'on se
préoccupe d'eux : " ça fait toujours plaisir que quelqu'un
s'intéresse à notre travail ", a-t-on entendu à plusieurs
reprises |
Le projet est donc doublement valorisant : individuellement (comme
reconnaissance de leurs efforts) et collectivement (en tant qu'entité à part
entière).
IV) Un entrain à nuancer toutefois
Si l'enthousiasme est effectivement au rendez-vous, il ne faut pas mettre de
côté pour autant les obstacles susceptibles de ralentir quelque peu la
réalisation de ce projet.
Nous avons déjà évoqué à plusieurs reprises la lenteur des démarches
administratives auprès des la Chambre des Métiers de Sikasso. M. Bréhima
Haïdara paraît bien décidé à aller au bout et suit régulièrement
l'avancée du projet.
Ils nous ont également parlé d'un manque de matériel. Isolés, ils n'ont pas
les moyens requis et ont recours à la location ou bien se passent tout
simplement de certains outils pourtant importants.
De plus, ils ont souvent du mal à s'en sortir avec un métier unique et pour
nourrir leur famille (la plupart du temps nombreuse) complètent leurs revenus
par le travail aux champs. Cela leur demande donc du temps et peut constituer un
léger frein à la mise en place de la Maison de l'Artisanat.
Enfin, nous avons croisé quelques pragmatiques qui sont certes en accord
avec le projet mais attendent de le voir réalisé pour y croire !
En règle générale, le travail d'enquête que nous avons effectué sur la
Maison de l'Artisanat, dans la continuité de ce qui a été réalisé
jusqu'ici, est positif. Les artisans sont prêts à se mobiliser et se
mobilisent souvent de fait, sous l'impulsion des plus motivés.
Les femmes s'expriment moins volontiers sur la question, certainement parce
qu'elles ont peu l'habitude d'être consultées, mais comme les hommes, elles
attendent cette nouvelle structure. Ils sont, hommes comme femmes, résolument
tournés vers l'avenir et les générations futures qui vont tirer le village
vers le haut.
V) Éclairage sur quelques métiers
Le bijoutier
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Il reçoit des pièces d'argent de Bamako, pièces le plus
souvent d'origine française, qu'il fait fondre dans des petits
récipients en forme de U, de 4cm de hauteur environ. La température
ambiante est donc assez élevée du fait du travail du métal.
Il coule ensuite l'argent dans de longs moules pour en faire des tiges
plus ou moins fines, ou bien pour en faire de petites boules qu'il
sculpte par la suite. Il lime et taille les pièces ainsi obtenues pour
obtenir formes et motifs divers.
Il réalise ses modèles, si besoin est, au crayon sur les murs de son
" atelier " et dispose également de quelques pages d'un
catalogue de bijoux (un catalogue Auchan, semble-t-il) qu'il est à
même de réaliser, en fonction de la demande. Il a toujours à
disposition quelques modèles en démonstration.
Il peut faire 3 bracelets par jour. |
Les vannières
Assises par terre en rond, elles tressent de l'osier, en
insérant ici et là quelques bandes de couleurs (vertes et rose
fuchsia).
Elles ont des difficultés à se procurer l'osier qui pousse
difficilement dans la région. Elles avaient pour habitude de le
récolter à une cinquantaine de km de Niéna mais ce sont des
vannières qui vivent à proximité des plantations qui le récoltent à
l'heure actuelle. Elles s'approvisionnent donc au Burkina Faso.
Elles vendent l'essentiel de leur production à la gare routière, lors
des escales des cars et ne fonctionnent donc pas sur commande.
Il faut une journée pour confectionner un panier grand format. |
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Le menuisier
Le bois utilisé provient de Côte d'Ivoire. Il s'en sert avant tout pour
faire des meubles (lits, étagères, tables...) et travaille uniquement sur
commande. Il estime que le risque de fabriquer du mobilier sans être sûr de le
vendre est trop important.
Il rabote le bois à la main et son travail serait nettement facilité par
l'utilisation d'un rabot mécanique.
