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Budget de la mairie
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Au cours de notre mission au Mali, le Maire de la commune de Niena nous a sollicité pour  participer à l’élaboration du budget additionnel 2006. Un budget primitif avait été constitué au mois de décembre 2005 et l’objectif était d’ajuster le budget initial aux réalités de l’exercice 2006.

                                                                                             

           « Soyez patient, cela fait plusieurs siècles que la comptabilité vous (occidentaux) est familière,  nous, nous commençons seulement à la découvrir » : Seriba Diallo,  Maire sortant de la commune de Niena.

 Si les plus anciens  textes connus sont des inventaires comptables, ce n’est qu’au XV° siècle, avec l’apparition de l’imprimerie, que des règles sont formalisées et diffusées dans l’Europe. La comptabilité consiste à passer des écritures datées, chiffrées, allouées à un compte, explicitées par un libellé et correspondantes à un document répertorié qui doit toujours en retour pouvoir justifier une écriture comptable (une facture, un relevé de compte bancaire, une feuille d'impôt à payer, etc). Une écriture comptable ainsi justifiée peut alors être opposable à des tiers (État, actionnaires, organisme sociaux, justice, etc).

Les civilisations africaines, de tradition orale, ne sont pas accoutumées à la représentation scripturale, précise et rigoureuse de la réalité. La colonisation a certainement imposé l’utilisation de normes comptables aux responsables politiques locaux mais faute de pédagogie les principe fondamentaux de la comptabilité ont été oubliés ou incompris. Aujourd’hui, c’est toujours par obligation que la commune réalise des documents comptables : directives de l’administration malienne obligent. Cependant, à mesure que le processus de décentralisation prendra de l’ampleur (voir partie sur le droit de propriété), les prérogatives de la mairie se multiplieront et les sommes qu’elle devra collecter, enregistrer puis redistribuer, augmenteront. La comptabilité est un puissant outil de gestion et la Mairie devra apprendre à en faire bon usage.

Les paragraphes qui suivent présentent, de manière anecdotique, les difficultés rencontrées par la Mairie dans l’exercice de la comptabilité. Vous trouverez en annexe le budget additionnel de la Mairie. Ce document a été corrigé par nos soins et les plus grosses maladresses commises n’y figurent plus. Comme nous n’avons pas pu conserver les budgets des années précédentes, nous n’avons plus d’exemple à notre disposition pour illustrer le manque d’expérience de l’administration de Niena. Il faudra nous croire sur parole…

I.       LE FOND

A.   Le principe de prudence : théorie et réalité

Le principe de prudence veut que l’on comptabilise seulement les profits qui sont certains et que l’on passe en charge les dépenses qui sont probables. De cette manière, on s’assure que les dépenses seront couvertes par les recettes, et l’on évite une conduite « à risque » où la surévaluation des rentrées et la sous-évaluation des frais provoque des déséquilibres budgétaires financés ensuite par l’endettement.

Ce principe de prudence n’a pas été compris par les responsables de Niena. En règle générale, ils ajustent leurs budgets en augmentant les recettes plutôt qu’en réduisant les dépenses et la Mairie s’endette davantage chaque année. De plus, les autorités de la commune élaborent leurs documents comptables par rapport au budget primitif des années précédentes et non par rapport aux réalisations des années précédentes. Ainsi, en 2005, la Mairie avait seulement perçu 500 000 CFA sur les produits du service du domaine, et pourtant, en 2006 ils ont inscrit pour 3 733 000 CFA de recettes à ce compte (72). Un chiffre parfaitement irréaliste qui aurait provoqué un déficit budgétaire à la fin de l’année. Le montant corrigé par nos soins (1 845 216 CFA) est tout aussi irréalisable, mais nous n’avons pas pu le diminuer davantage pour la raison suivante. Tous les budgets de la mairie sont envoyés à la Préfecture du Cercle de Sikasso et cette dernière « exige » que les budgets des communes sous sa juridiction augmentent chaque année. Cette aberration engendre un cercle vicieux de surévaluation des  recettes. L’inscription d’un chiffre irréaliste à l’année N ne pouvant pas être corrigé à la baisse l’année suivante sous peine de remontrances de l’administration centrale.

B.   La collecte des impôts

   Le Mali est une nation jeune qui rassemble sous un même drapeau une multitude d’ethnies et de peuples différents. Les sentiments communautaristes prennent le pas sur l’émergence d’un esprit citoyen fédérateur. Dès lors qu’elles ne reconnaissent pas la légitimité d’un pouvoir national, supra-communataire, représenté par les collectivités territoriales (Mairies, sous-préfectures, Gouvernorat…)  les populations sont réticentes à participer à la vie civile du pays et donc à payer des impôts. Comme l’essentiel des recettes de la commune provient justement de la collecte des impôts, l’élaboration des budgets devient problématique. J’utiliserai un exemple pour illustrer mon propos. Au cours de l’exercice 2005, de nombreux impôts n’ont jamais été recouvrés provoquant un déficit budgétaire de 8 183 602 CFA en fin d’année. Les sommes non perçues ont donc été reportées au budget additionnel de 2006. Si la mairie n’est pas en mesure d’élaborer de nouvelles stratégies pour percevoir les sommes qui lui sont dues, ses créances s’accumuleront année après année sans pouvoir jamais les recouvrer.

 De plus, certaines créances ne sont pas recouvrables d’un exercice à l’autre. Autrement dit, les arriérés de 2005 ne pourront pas être perçus au cours de l’exercice 2006. Il est donc important que la mairie mette tout en œuvre pour percevoir lesdites sommes au cours de l’exercice considéré. Et si le conseil municipal estime qu’il n’est pas en son pouvoir de les recouvrer, il ne faut pas que ces (fausses) recettes soient comptabilisées.

C.   Le traitement des dettes

 La Mairie de Niena est endettée mais il est difficile d’estimer le montant de ses obligations. En effet, l’hétérodoxie des pratiques comptables de l’administration laissent planer une incertitude sur la précision des chiffres fournis. En voici une illustration.

 L’exercice 2005 s’était soldé par un déficit budgétaire de 8 183 602 CFA devant être reporté dans la section dépense du budget 2006. Si vous consultez les tableaux en fin de document, vous constaterez que ce montant est bien indiqué (Section fonctionnement – dépenses – sous-titre 85 – article 856 : résultat antérieur). Mais pour ne pas grever le budget additionnel 2006 avec des dettes non remboursées, et pour gardé inchangé le montant des dépenses qu’elle s’était fixée, l’administration a arbitrairement compensé ce déficit par une écriture comptable strictement opposée (voir colonne attenante).

Cette pratique soulève plusieurs problèmes. Ces dettes correspondent nécessairement à des créances détenues par des tiers sur la Mairie (Fournisseurs, Etats, …) et l’administration de la commune ne peut pas annuler unilatéralement ses obligations.

 Ensuite, les budgets réalisés par la mairie de Niena sont des documents officiels, transmis à l’administration centrale et qui engagent la responsabilité de ceux qui les ont réalisés. Le Maire et son bureau doivent donc être attentifs à fournir des comptes irréprochables sous peine de sanctions.

La gravité de ces questions est amplifiée par l’absence de tout reçu justifiant les écritures comptables de la Mairie. Au cours de notre intervention aux côtés des autorités de Niena, nous n’avons jamais pu obtenir de justificatifs pour les recettes, les dépenses, ou les dettes inscrites dans ses budgets.

 

II.    ET LA FORME

 A.   Organisation comptable et fautes de calculs

 Un budget de Mairie s’organise à la manière de poupées gigognes. Les comptes sont hiérarchisés en 4 niveaux qui s’imbriquent les uns dans les autres : les sous-titres forment le niveau supérieur, ensuite viennent les chapitres puis les articles et enfin les paragraphes. Chaque niveau est égal à la somme des sous-comptes qui le constituent.

 

Ainsi, dans le tableau ci-dessus, l’article 7212 est égal à la somme des paragraphes 72121 et 72122. De la même manière le chapitre 721 doit être égal à la somme des articles 7211 et 7212, etc… L’administration de la commune de Niena n’est pas toujours suffisamment rigoureuse sur cette question et à de nombreuses reprises, nous avons pu constater que les règles d’organisation comptable n’étaient pas respectées.

 Les fautes de calcul sont récurrentes dans la comptabilité de la Mairie. Ces étourderies traduisent le peu d’importance que l’administration accorde à son travail de comptabilité. Dans son esprit, les chiffres qu’elle manipule sont de pures abstractions administratives dont l’impact sur la réalité est inexistant. Or ces erreurs de calcul affectent de façon significative l’équilibre des comptes et les choix d’orientation de la politique budgétaire de la commune sont faits en fonction de données imprécises. Les conséquences d’un budget mal réalisé ne sont pas de pures abstractions, elles sont déterminantes pour le devenir de la commune et pour l’émancipation de sa population.

B.   Des moyens insuffisants

 Les erreurs commises par l’administration de Niena dans l’exercice de la comptabilité ne s’expliquent pas seulement par une mauvaise compréhension des principes qui la régissent. Le manque de moyens et les difficultés d’organisation de la commune ont leur part de responsabilité.

Les budgets sont réalisés sur des tableaux noirs, les chiffres y sont écrits à la craie, la structure des comptes est dessinée à main levée ; l’ensemble manque de clarté. Il faut 4 grands tableaux recto-verso, pour inscrire toute la comptabilité de la mairie et il est donc impossible de consulter à la fois le budget des recettes et le budget des dépenses. Il est très préjudiciable de ne pas avoir une vision d’ensemble des documents comptables et de devoir manœuvrer de lourds tableaux pour s’assurer que les soldes sont équilibrés.

La mairie et ses conseillers réalisent tous leur calculs sur des calculatrices quatre opérations dont les écrans sont souvent trop petits pour accepter des montants importants. Ces calculatrices, peu adaptées aux besoins de la comptabilité, sont à l’origine de nombreuses maladresses.

III.  PROPOSITIONS

 La comptabilité doit devenir un outil de gestion privilégié pour l’administration de la commune de Niena. La décentralisation va multiplier les prérogatives de la Mairie et pour accomplir ses nouvelles missions elle devra pouvoir compter sur des documents comptables justifiés, fiables et précis. Pour cela nous recommandons :

 Ø      Un effort de pédagogie envers les responsables de la commune de Niena. Il faut que le maire et ses conseillers comprennent qu’il existe un isomorphisme entre la réalité financière de la commune de Niena et les budgets qu’ils réalisent. La comptabilité ne doit plus être une obligation mais un outil à leur service. Ils doivent également comprendre que de mauvaises pratiques comptables risque d’engager leur responsabilité vis à vis de leurs fournisseurs ou de l’Etat Malien.

 Ø      Une formation approfondie en informatique et en comptabilité pour le secrétaire de de Mairie. La grande majorité des maladresses commises par la mairie pourraient être supprimées si le budget était informatisé et si les principes fondamentaux de la comptabilité étaient réaffirmés.

Ø      Mise à disposition d’un ordinateur portable pendant la préparation et le vote des budgets.

 Et enfin, il serait décisif pour la bonne marche administrative de la Mairie de Niena, qu’un responsable expérimenté de l’association vienne former le personnel de mairie aux procédures de gestion financière et de trésorerie ainsi qu’à l’organisation administrative des documents.

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Dernière modification : 14 janvier 2014