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La politique
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La politique à Niéna

Nous allons parler de l'organisation de la mairie de Niéna, et aussi des autres organes de décision que sont le vestibule et la sous préfecture. A travers de longues discussions, on a pu voir en partie ce que pensaient certains Niénakas de la politique locale mais aussi nationale.

 

La Mairie de Niéna

Depuis 1993, et la libre administration des collectivités territoriales, le rôle des mairies est très important. Si l'Etat garde certaines prérogatives comme la justice et la monnaie, certaines libertés sont octroyées au local telles que le vote du budget, sous l'arbitrage des préfectures et sous-préfectures.

Le Maire est élu par les 24 conseillers, qui sont eux-même élus par les habitants. En cas d'égalité, le plus âgé devient maire. Lors de notre visite au bureau communal, nous sommes reçus par le maire Abou Diallo, Issa Kouyaté son 1er secrétaire, et ses adjoints : Bamaro Diallo 1er adjoint qui s'occupe des finances, Mamadou Traoré le 2e adjoint en charge de la culture, de l'éducation et de l'assainissement. Siname Diallo est le 3e adjoint, en charge des affaires domaniales et de la voirie.

Le conseil communal de la mairie est formée de 23 membres de tous bords politiques, la maire et son adjoint ont un rôle d'exécutant des décisions.. La mairie gère tous ce qui est administratif, et la conservation des archives. Le conseil des adjoints signe les procès verbaux des conseils municipaux. Le secrétaire général gère le budget. Le conseil décide aussi de créer et de rémunérer un emploi, la mairie se charge du recrutement.

La comptabilité :

Le receveur municipal, aidé du régisseur principal se déplace dans les villages de la commune pour la perception des impôts. C'est l'Etat qui fixe les taxes, et le conseil peut en instaurer, mais ce genre de décision n'est évidemment pas très populaire chez les habitants. Ces taxes varient selon les villages ; taxes sur les sorties de territoire, sur les débits de boissons, tickets de marché, sur les cycles). Le conseil décide de leur création lors de la préparation annuelle du budget. Ils réunissent les catégories socioprofessionnelles pour fixer un montant raisonnable et pouvoir le justifier. La taxe est donc "négociée" , n'est pas imposée directement

Tous les comptes sont validés par le préfet du cercle. Le sous-préfet a un rôle d'appui conseil., il veille au respect de certaines charges obligatoires.

Le vote du budget : D'abord un débat public et la consultation du chefs du village, puis le vote au niveau du conseil municipal. Exemple des priorités ; la gestion des états civils n'étant pas à jours, qui entraîne la nécessité d'un ordinateur, tout comme pour la gestion des finances. Il est à noter que le "débat public" a pour but d'informer la population intéressée du budget et des projets. Souvent, un budget prévisionnel est inscrit sur un tableau, et connaît des ajustements en fonction des discutions. Ce n'est ensuite que lorsque mairie a reçu l'approbation du préfet du cercle de Sikasso (Traoré Kalifa), que le budget est définitivement validé. Pour résumer, le vote suit le chemin suivant :

Conseil municipal ; budget prévisionnel         ® Information et débat public

        + consultation chef du village

 

® Approbation du préfet                             ® Adoption et exécution par le bureau communal

La mairie organise aussi des conférences dans la salle municipale sur différents sujets comme par exemple les droits de l'enfant, en relation avec des ONG. Elle travaille également en collaboration avec la CMDT (par exemple pour s'informer des salaires paysans, ou pour mettre au point des projet portant sur l'agriculture et l'élevage. Le principal problème que connaît la mairie est un manque de matériel de bureau (ramettes de papier, cartouches, ruban pour machine à écrire, mobilier).

 

Les autres organes d’influence

Le vestibule :

C'est le groupe des anciens du village avec à leur tête le chef de village, Adama Diallo (85 ans), et ses 5 conseillers proches. Pour être chef de village, il faut être un Diallo et le plus âgé des villageois. Adama Diallo est le chef depuis 8 ans.

Le vestibule est très important dans le village de brousse, il perpétue la tradition du respect des anciens. Son pouvoir est différent de celui du maire, il gère les contentieux familiaux (problèmes de mariage, d'enfants). Mais dès que les problèmes sont trop importants, on va vers les instances officielles comme la gendarmerie. Avec le temps qui passe, le pouvoir du chef de village devient symbolique, car des prérogatives importantes telles que le rôle dans la distribution de l'eau appartiennent au passé, avec l'amélioration des savoir scientifiques et l'avènement de l'Etat démocratique. Le chef du village a donc un rôle de régulation locale. Le chef prend la décision seul après avoir entendu chaque homme du vestibule.

Les chefs de village se réunissent parfois entre eux, en totale indépendance du monde politique. Avant chaque grande décision (par exemple sur le budget municipal), le chef de village est sollicité. On constate que certains conseillers de la mairie sont proches, voir aussi conseiller du chef de village (c'est la cas de Moussa Diallo notre guide à Niéna) ; cela s'explique facilement, étant donné que cela permet une "entente cordiale". Expliquons nous : il est difficile de connaître les pouvoirs concrets, réels du vestibule, hors de leur qualité de conseils. Si concrètement, c'est la mairie qui a le pouvoir, prendre une décision sans le vestibule fait perdre la légitimité de celle-ci. En toute logique, il est nécessaire pour les deux partis d'arriver à un accord qui permet d'abord à la mairie d'agir, tout en conservant le vestibule sur son piédestal.

La sous-préfecture :

Oumar Maïga est le sous-préfet de Niéna, pour qui le pouvoir local est l'enjeu de la décentralisation. Le représentant de l'Etat est un arbitre, un régulateur entre les habitants et le pouvoir de la Mairie. A travers la sous-préfecture, c'est l'Etat qui intervient sur certains domaines. Ainsi, pour le lancement de certaines activités, les artisans doivent demander l'accord du sous-préfet., qui a une fonction de "conseil-appui" : il collabore également avec des professionnels de l'agriculture dans le cadre de conseils à la population. Il leur appartient aussi d'aider les conseillers de la mairie dans la gestion administrative. Quand l'ordre public est menacé, le sous-préfet gère le problème avec gendarmerie si la mairie est dépassée. Il peut s'agir de trancher des litiges sur des problèmes fonciers (la possession d'un lopin cultivable par exemple), ou de la création d'un bâtiment religieux…l'absence régulière de document écrit concernant des accords entre particuliers ne facilité pas la tâche. Le représentant de l'Etat doit en théorie être absolument neutre dans le traitement des conflits fonciers, mais M. Maïga avoue connaître des affaires dans d'autres communes où le bord politique de propriétaires ont joué en leur faveur ou défaveur…

Mais par manque de moyens, l'Etat se désengage trop vite, et la sous-préfecture est limitée dans sa fonction. Le manque de matériel de bureau de base et l'absence d'électricité se font sentir. Alors si l'état malien réorganise la région, l'administration classique reste pauvre et les moyens tardent à venir.

 

La politique et les Niénakas

Au niveau local :

Un tailleur de Niéna nous a expliqué comment il a aidé à organiser les campagnes de Seriba Diallo, ancien maire et président de Teriya sur place. Cela commence par la création d'un bureau de 27 personnes, organisation de rencontres publiques pour expliquer aux villageois les programmes, sensibiliser à des problèmes. Le soutient des militants c'est cotisation pour la campagne. Ensuite il s'agit de promouvoir la personnalité du candidat Seriba Diallo : son expérience de conseiller, ses connaissances…et aussi mettre en valeur son âge, car la vieillesse est un gage de crédibilité de la politique. Expliquer ses projets locaux comme la création d'un tournoi de football, etc…

Enfin, l'utilisation à une petite échelle de moyens de développement de l'image du candidat ; affiche, tee-shirts ou badges à l'effigie du candidat. On retrouve ainsi le visage de Seriba dans les boutiques, et dans la garde robe des gens.

Les élections se font en fonction des budgets de campagne, la corruption généralisée est une réalité. Deux modes opératoires à distinguer ; le direct, contre de l'argent ou une denrée alimentaire, et l'indirect, lorsque l'on paye une personne influente dans un village pour qu'il diffuse un consigne de vote : certaines familles ne savent guère lire et écrire, et la politique leur paraît quelque chose de très lointain, alors qu'un peu d'argent améliore beaucoup leur quotidien.

Les élections à Niéna ont opposé Abou Diallo du parti des indépendants et le maire sortant Seriba Diallo affilié à l'URD. Mais ici, c'est plus la popularité locale, basée sur l'action et la popularité des ancêtres, qui importe plus que l'étiquette politique. Sur les 44 villages de la commune de Niéna, c'est Abou Diallo, grâce au soutient du député, qui a fait le plus gros "effort" financier de campagne. Seriba explique également le succès de ce dernier par le fait qu'il appartienne à la mouvance présidentielle. C'est avec l'appui de la politique locale que des organisations comme Teriya mettent au point certains grands projets, qui mettent là-bas l'homme politique en valeur. Seriba Diallo peut ainsi souligner son action le développement des établissements scolaires, car la mairie est responsable des maternelles et premiers cycles, mais aussi dans le soutien de certains salariés de centres de santé.

Moussa Diallo est conseiller à la mairie pour voter le budget et des décisions de la mairie : il constate en toute subjectivité que le nouveau maire ne suit pas forcément la continuité de certains projets précis comme les pompes forage, la construction de salles de classes. Moussa Diallo fait partie des Niénekas qui s'investissent en politique : on retrouve les mêmes caractéristiques que chez Seriba ; un goût de participer aux choses, un intérêt aux évènements du village, un goût de la relation avec les autres (agriculteurs, villageois). C'est aussi être sur le terrain pour voir la réalité de plus près, dans les villages aux alentours notamment. Tout cela lui a été transmis par son père, un homme influent de Niéna : on a une continuité familiale tout comme pour Seriba dont le père s'était illustré dans la politique à Sikasso. Un certain niveau de richesse et une stabilité familiale sont donc les bienvenus pour entamer une carrière politique.

La politique nationale :

Les principales personnes qui ont accepté de parler de politique avec nous sont tailleur, enseignant, cultivateur.

Pour Antoine Dembelé, enseignant, la réalité nationale c'est avant tout une mauvaise gestion des pays africains, en raison d'une élite qui se reproduit sans réellement se soucier des problèmes publics… Il considère comme idée reçue la totale pauvreté du Mali. De nombreuses ressources naturelles pourraient aider au développement mais elles n'enrichiraient que l'élite. De plus une mauvaise situation géographique obligerait les producteurs à faire transiter leurs produits par des pays frontaliers pas toujours sûrs (Côte d'Ivoire par exemple). Les richesses naturelles du Mali ne seraient pas bien exploitées par les classes dirigeantes, des contrats en or pour les occidentaux étant réalisés contre des pots de vin importants. C'est le manque d'infrastructures au sein même du pays qui rend ce système inégalitaire très développé. D'une manière générales les habitants interrogés ont l'air de penser que les hauts placés n'ont pas conscience des problèmes la population. Ce qui explique pourquoi d'autres personnes avec qui nous conversions ne souhaitaient pas parler de politique, ou ne la prenaient pas au sérieux.

Assez paradoxalement, le taux de participation aux élections municipales est bon, autours de 60%. Les parti nationaux les plus populaires sont l'ADEMA, l'URD, le RPM ou les indépendants. A la base, un grand et unique parti, l'ADEMA puis les autres qui se sont crées à partir des dissidences dans l'ADEMA. Il semble qu'il n'y ait pas d'opposition entre les partis en terme de convictions politique, de doctrine (libéralisme etc). Les partis de différencient plutôt par le jeu d'intérêts. Le jeu démocratique est plus ou moins crée, car sans opposition la politique d'un président apparaîtrait comme dictatoriale. Leur objectif à tous est pour résumer le développement (santé, éducation) mais pour beaucoup d'habitant, cela ne signifie pas une réelle volonté politique de changement. Par exemple, que penser d'une volonté de réforme de l'éducation quand beaucoup des enfants de ces familles vont faire leurs études en France ?

Les campagnes électorales sont l'occasion d'étalage de richesse de milliards de CFA qui choquent beaucoup certains habitants. Ils s'interrogent sur de possible détournements de fonds, car certains ministres passent par des ministères importants avant de fonder leur parti. De vives discussions se sont engagés durant notre séjour sur le degré de corruption des hommes politiques. Debrouye, militant URD, croit dur comme fer que l'argent des campagnes vient des cotisations des membres et des économies personnelles, les hommes politiques occupant évidemment des postes professionnelles importants.

Le président malien Amadou Toumani Touré divise aussi les opinions. Certains opposant voient en ATT, militaire, le perpétuel risque d'un retour à un ordre martial ; ses réactions autoritaires en effraie plus d'un. Cependant on peut constater une satisfaction générale sur la liberté de pouvoir créer un parti, et sur la liberté de la presse en vigueur au Mali.

 

Conclusion

L'évolution de la société Malienne rend au local les pouvoirs traditionnels (vestibule) et officiels (mairie) interdépendants. La valorisation d'un candidat à la mairie repose avant tout sur les valeurs d'un homme et de sa famille. Le changement de maire à Niéna est vu par les habitants interrogés avec philosophie ("il faut du changement"), alors que les pronostics sur la future réélection de Seriba Diallo sont déjà présents. L'enjeu pour ce dernier, malgré le faible niveau d'instruction d'une partie de la population, est de faire passer un désir de développement, qu'il met en valeur en soulignant sa coopération avec l'association Teriya sur des actions concrètes telles que l'aménagement de la place du marché ou la construction de classes supplémentaires en établissement scolaire.

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Dernière modification : 14 janvier 2014