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La mécanique à Niéna (partie rédigée par Maxime) Le déroulement de mon séjour Mon arrivée à Niéna, mon accueil et mes premières impressions :Après avoir passé une journée chez Wateni, je prends le car direction Niena, le village de ses parents. Conformément à la lettre que j’avais reçu de l’association, dès mon arrivé je pars à la recherche d’un certain Fousseny DIALLO. C’est sans trop de difficulté que je trouve ce dernier mais hélas, il ne parle pas un mot de français. C’est un de ses employés, Jacouba DIALLO, un jeune ivoirien qui a quitté son pays avec son frère pour fuir les persécutions des rebelles, qui me sert d’interlocuteur. C’est d’ailleurs lui qui me servira d’interprète avec les responsables des différents garages dans lesquels j’ai pu travailler. On a convenu que je pourrai venir dès que je serai disponible, le surlendemain donc, après notre journée à Sikasso. Mort de curiosité et d’impatience, me voila le dimanche à 8H devant le garage. Première impression : je suis vraiment surpris de voir tout ces enfants, parfois âgés d’une dizaine d’années a peine, tout seul ou bien à deux sur une moto entrain de la bricoler. J’essaye de m’approcher d’eux pour leur filer un coup de main, mais non... ils sont si fiers de me montrer ce qu’ils savent faire que je n’ai guère l’occasion de toucher. Il y a des motos et des outils un peu dans tous les sens. Jacouba m’affirme que c’est normal, le dimanche les agriculteurs ne vont pas aux champs mais au marché et en profitent pour confier leur moto à réparer. Néanmoins, je comprend très vite qu’il va me falloir gagner la confiance du patron et des ouvriers, leur faire preuve de mes rudiments de mécanique. Un toubab au garage, cela en fait sourire plus d’un. C’est ainsi qu’en peu de temps je suis passé d’un poste d’observateur à celui d’un vrai petit apprenti… Ils insistent pour venir me chercher et me raccompagné en moto et débarquent dans la concession si jamais je ne suis pas au rendez-vous. Apres quelques jours passés chez Fousseny, Moussa me conseil vivement de travaillé un peu dans chacun des différents garages, pour ne pas susciter de jalousie. J’en convient parfaitement et c’est ainsi qu’il me conduits chez le président de l’association des réparateurs de motos. Celui-ci ma indiqué l’ordre et le nom des différents patrons chez qui j’allais travailler pour une durée de deux à trois jours à chaque fois. Je me suis tout d’abord rendu chez Chara DIALLO, dit Chara le Noir puis chez Djime un second grand réparateur du village. Je rencontrais parfois de réelles difficultés à communiquer avec les gens et, ne me connaissant pas vraiment les responsables n’osaient pas me donner de travaux. C’est la raison pour laquelle, j’ai décidé de ne plus aller ainsi de garage en garage mais plutôt de fréquenter à tour de rôle, ou suivant la quantité de motos en attente, ces trois-ci. Mes actions, mes surprises : J’ai passé quasiment un mois dans les différents garages. Vers la fin de mon séjour, la récolte approchant, les gens, désertant les rues pour aller aux champs et le travail au garage se faisant de plus en plus rare, il m’arrivait partir cultiver le matin et de ne travailler au garage que l’après midi. Apres l’étonnement des premier jours vis-à-vis de leur pratique de la mécanique. Je me suis affairé à essayer de leur montrer qu’il n’y avait pas juste le marteau et le burin dans la caisse à outils. Mais un mois plus tard, c’est avec un sentiment d’échec que je suis reparti. Je me dis que même si je restais là-bas plus longtemps, je ne suis pas sure que mon aide serait visible. La vie au jour le jour sans se soucier du lendemain semble faire parti de la mentalité malienne. Ils effectuent des réparations provisoires. Le fait que les motos puissent repartir du garage en roulant, plus ou moins bien semble être essentiel. Ils ne se soucient pas du fait qu’elles doivent y retourner sous peu. J’ai vu des meccanos agrandir des orifices de bielles à la lime par exemple, ou encore des pignons de boites de vitesses usées qui finissent par casser a cause de l’utilisation de mauvaises huiles. J’étais souvent avec un ou deux apprentis, les aidant à réparer une moto. J’essayais d’agir le plus simplement possible et de leur montrer clairement les choses. Je les vois monter un cylindre au marteau, je leur empreinte, place correctement les segments et ça se monte tout seul. Pareil pour emboîter des poignées sur un guidon, je les enduis de savon au lieu de taper dessus. Je leur demandais toujours s’ils avaient compris. Ils m’affirmaient que oui, plutôt par crainte de me décevoir je pense. Mais reprenaient leurs habitudes dès que j’avais le dos tourné. J’ai préféré travailler avec les enfants plutôt que les patrons qui font davantage la sourde oreille lorsque tu leur montres quelque chose. J’essayais de leur faire utiliser la totalité des quelques outils qu’ils avaient. En enlevant un joint avec une lame plutôt qu’à coups de tourne vis. Je reste persuadé que même avec le peu qu’il ont, ils peuvent faire beaucoup mieux Les manques : Parmi les outils qu’ils ne possèdent pas et qui me paraissent vraiment essentiels figure un jeu de cales, nécessaire pour le réglage des jeux de soupapes ainsi que les valeurs de ces derniers. Même s’il y a des garages un peu partout dans le village, il n’y a personne de spécialisé dans l’électricité des motos. Même les responsables, avec toutes leurs années d’expérience ont beaucoup de mal avec cela. Une moto à même brûler à Niena durant mon séjour à cause d’une panne électrique
L’organisation et la répartition des réparateurs de motos à Niéna Les différents garages à Niéna : Ils sont environ au nombre d’une quinzaine voir jusqu’à dix huit lors de la saison sèche, une fois les travaux champêtres achevés. Cependant ont peu distinguer différents types de garages en dépit de l’extrême précarité de l’ensemble. En effet même si le fait de posséder une caisse à outils semble être, là-bas la seule condition nécessaire, en plus d’un minimum d’expérience bien sure, pour ouvrir son propre atelier, le prix de la location d’une case servant d’entrepôt étant très abordable (de l’ordre de 1000 à 1500 CFA par mois), les plus renommés ont en général un magasin de pièces détachées. Chara possède par exemple en plus de l’atelier et du magasin une pompe à essence. Il a des contrats d’entretient avec des fonctionnaires comme la gendarmerie, il propose même des " crédits " dans le payement des réparations. C’est, à mes yeux du moins le plus reconnu des mécaniciens motos dans Niena. Fousseny a par exemple été son apprenti avant de pouvoir s’installer. Contrairement à ce que l’on a l’habitude de voir en France, personne n’est spécialiste de tel ou tel marque ou engin. Chacun s’adapte plus ou moins bien à la demande du client. Par ailleurs la trop grande quantité de garages nuit à tous. En effet mis a part le dimanche (jour de marché à Niena), il n’y a pas beaucoup de travail les autres jours de la semaine. Sans compter le fait que la majorité des clients dépensent tout leur argent lors de l’achat des motos que cela soit comptant ou, le plus souvent à crédit. Ainsi ils n’ont souvent plus rien pour payer les réparations. Le fait qu’ils roulent avec des fonds de réservoir, achètent de l’essence au litre, demi litre ou même quart de litre semble en être parfaitement représentatif. L’organisation interne des ateliers : Elle est toujours identique quelque soit le garage. Il y a toujours un patron à la tête et une foule d’apprentis souvent très jeunes. J’ai été très touché par la condition de ces derniers. En effet c’est souvent leurs parents qui les y conduisent pour leur faire apprendre un métier, plutôt qu’ils ne traînent dans les rues. Sur le lot beaucoup ont heureusement accès à l’école mais ce n’est hélas pas la totalité. Les patrons n’ont pas toujours beaucoup de respect pour les plus jeunes. C’est à eux qu’est confiée la mission d’aller chercher l’eau à la pompe pour laver les motos, de faire le thé… Mise à part avec certains patrons il n’ont pas de réel enseignement. En effet beaucoup se reposent pendant que les apprentis travaillent. Si une opération est trop délicate, seulement dans ce cas de figure, ils font appel au " chef ". Ils se regroupent tous autour de lui, comme des élèves autour de leur prof et le regarde, l’admire. Essaye de comprendre et de mémoriser ce qu’il fait que cela soit bien ou mal… Par ailleurs les apprentis ne perçoivent aucune rémunération. Seul le repas du vendredi midi leur est offert. Beaucoup profitent que le patron ait le dos tourné pour mettre un peu du montant des réparations dans leur poche. Par ailleurs, comme tout ce que l’on peut acheter là-bas, les tarifs sont négociables. Ils gardent les petites vis, les ressorts qui traînent. Autant de chose qui pourraient paraître désuètes chez nous mais qui ne le sont pas pour eux. Après une dizaine d’années environ passées en apprentissage, ils essayent de s’établir à leur tour et reproduisent le même schéma : un unique patron et une dizaine d’apprentis. Pas d’association possible, ils ne font pas confiance concernant l’argent et les affaires. L’outillage : " En France vous avez beaucoup d’outils et en bon état, ici on doit se débrouiller. " C’est une phrase que j’ai entendue mainte et mainte fois, mais qui représente bien la réalité des faits. Par exemple : une clef plate de qualité déplorable, c’est environ 1500 CFA, soit au moins cinq repas au " restaurant ". Et j’insiste sur le terme de qualité déplorable. Tous les outils sont rapiécés, ressoudés dans tout les sens. Une caisse à outils se compose en général, d’un jeu plus ou moins complet de clefs à pipe et de clefs plates, de quelques pinces (plates et multiprises), de tournes vis et surtout d’un marteau et de divers bouts de ferraille faisant office de burin. Ils récupèrent souvent des culasses usagées, des jantes de tracteur ou des cylindres pour s’en servir de support pour pouvoir taper. Aucun outil de précision destiné au contrôle ou aux mesures ne figure dans leur équipement. Concernant l’entretien des moteurs, tout ce qui pourrait nous paraître inimaginable est visible là-bas. Ils utilisent par exemple des huiles pour moteur diesel dans tous les moteurs. Que cela soit dans le mélange des moteurs 2 temps, dans les boites de vitesses… D’où une arrivé très précoce de calamine qui fait chauffer les moteurs au risque de les faire serrer, des usures prématurées des pignons de boites. Lors des marchés ou dans les boutiques concernées, ont peu trouver la quasi-totalité des pièces détachées, le nombre de modèles de motos en circulation étant très faible, une dizaine tout au plus, et les marchants allant se ravitailler dans la capitale de temps en temps. Cela pour des tarifs proches de ceux pratiqués en France, donc difficilement abordables pour les maliens, ce qui ne facilite pas la qualité des réparations. Les différentes motos: On trouve bon nombre de MBK 88, les anciennes " bleues " que l’on trouvait en France dans les années 70-80 ainsi que des Peugeot P50, 153, delta, l’équivalent de nos anciennes 103 mv ou mvl. Mais contrairement à tout ce que j’aurais pu imaginer, ils ont, pour la majorité des motos relativement récentes de cylindrées supérieures. En effet les chinois se sont imposés sur le marché malien. Ils possèdent des droits de fabrication de motos japonaises. Ils les produisent et les revendent à des tarifs de l’ordre de quatre à cinq fois inférieur à celui des japonais du fait que la main d’œuvre est là-bas largement sous payée. Ainsi parmi ces modèles on retrouve essentiellement : - Les CG 125 (idem royal et kymko 125). Ce sont des motos 4 temps, qui diffèrent de nos modèles français essentiellement par la boite de vitesse inversée dans la sélection des rapports. - Les Yamaha dam (50 et 80) et Yamaha 100. Il s’agit de mécanique 2 temps donc plus gourmande en terme de consommation d’essence mais plus facile à réparer (absence de soupape, de système de lubrification via une pompe…). Je n’ai jamais aperçu ces motos en France mais leur moteur est identique à celui utilisé sur les Yamaha PW 50 et 80. Elles sont commercialisées à des tarifs avoisinant les 300 000-350 000 CFA. De trouver des engins aussi récents et aussi exigeants, au sens ou les réparations nécessitent un minimum d’outillage de précision qu’ils ne possèdent pas, ou dont ils ignorent même l’existence comme des jeux de cales nécessaire au réglage des jeux de soupapes, et de connaissances techniques, m’a beaucoup surpris. Emmener de tels engins au garage, c’est en quelque sorte procéder à leur destruction prématurée. Je pense que c’est une raison essentielle au faits que l’on ne trouve pas d’anciennes motos de ces types. Au mali le permis de conduire tout comme le port du casque n’est pas obligatoire. Aussi trouve t’on une multitude de jeunes enfants sur les motos, les apprentis des garages par exemple qui ont le droit d’essayer les motos afin de contrôler les réparations effectuées, sans le moindre rudiment de conduite. En plus du danger que cela représente, cela entraîne une usure très prématurée des motos. En outre, pour beaucoup les motos représentent une certaine fierté et certains n’hésitent pas à les personnaliser grâce à des gadgets en tous genres tels des sonneries de recul, des bavettes ou des autocollants. L’association des réparateurs : Celle-ci est tenue par le doyen des réparateurs. Elle représente une initiative très justifiée, mais il s’agit d’un projet très dur à mettre en place. C’est, je pense un premier pas nécessaire dans l’unification des garages. Elles pourrait peut être plus tard donner naissance à un atelier regroupant plusieurs patrons mettant en commun leurs connaissances, leur outillage mais surtout leurs moyens financiers pour l’achat de matériel plus efficace. Mais cela en est encore très loin. Par exemple chez Chara, lors du remplacement d’une bielle on aurait eu besoin d’une presse. Fousseny SANGARE, un ancien mécano reconverti soudeur en possède une mais demande 1000 CFA pour que l’on puisse s’en servir, que l’on soit un client ou un collègue mécanicien. Cela a donc induit un démontage au marteau…
Le tracteur Bilan des interventions effectuées: - 1 culasse. Étant dans l’impossibilité de trouver une batterie en état on n’a pas pu tenter de démarrer le tracteur. J’ai quand même vérifié le bon fonctionnement des bougies de préchauffage. Un niveau d’huile anormalement haut et un circuit de refroidissement à sec m’ont conduit à vidanger le moteur. L’eau avait filé dans l’huile, ce qui laisse présager d’un joint de culasse ou d’une culasse défectueuse. Par ailleurs la dépose du cache culbuteur m’a permis de déceler des traces de gasoil dans ce même circuit d’huile. Ces deux circuits étant parfaitement isolés, cela ne peut être qu’une erreur humaine. Moteurs compatibles et tarifs : Les numéros du moteur sont : 79 42 000 / indenor / AS10 GY30 598 ^ Il s’agit d’un moteur de Peugeot 504 diesel mais il doit être compatible avec le moteur de la 505 diesel et les autres Citroën de la même époque. Les tarifs pratiqués dans les casses de Bamako sont de l’ordre de 550 000-600 000 CFA. J’ai ramené la carte de l’une d’entre elles qui figure en annexe. Mis à part cela je n’ai jusqu’à présent pas trouvé d’offre similaire dans la presse spécialisée dans l’automobile ancienne. L’utilisation du tracteur semble t-elle justifiée ? Le tracteur est actuellement à Beleco, un village situé à 160 km de Niena. Le seul outil disponible est une charrue. Or le labourage n’est pas l’opération la plus contraignante, loin de là. Avec des bœufs le rendement est d’environ ½ - 1 ha par jour. Si on sait qu’un agriculteur a rarement plus de 5 ha, à Niena on peut douter de l’utilité de celui-ci. Par ailleurs il n’y a pas de voie d’accès convenable aux champs. C’est pour chercher du travail que Salif a amené le tracteur à Beleco. J’en ai discuté un peu avec Moussa, son père était le premier producteur de Niena. Ce fut un des premiers à posséder un tracteur mais il l’a revendu, problème de surcroît de dépenses. En effet il a du revendre de nombreuses vaches de son cheptel pour payer les réparations. |
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