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Les artisans de Niéna Le
manque d’électricité fait défaut aux artisans .Ils sont obligés de
travailler à la scie et à la varlope, de clouer pour assembler les meubles
pour que le prix de vente reste minime. Celui-ci dépend de deux critères: le
coût des matériaux et le temps d’exécution. Malgré ces facteurs,
beaucoup de clients ne peuvent régler qu’une partie de la somme et payent
ensuite dès qu’ils le peuvent. Ils travaillent à la tâche ou à la journée
pour un prix compris entre 500 et 1500 francs CFA par jour lorsque c’est pour
un entrepreneur. Quand il y a un gros ouvrage à réaliser il peut arriver que
les menuisiers reviennent des champs pour le fabriquer seul ou à plusieurs. Ils
ont généralement acquis un bon niveau sans avoir suivi de formation
professionnelle. Selon leurs dires, beaucoup apprennent dans un atelier « sur
le tas », chez un frère, un cousin ou simplement de leur père. Ils
utilisent le centimètre pour prendre les dimensions et tracer. Aucun menuisier
ne dessine de plans à Niéna et Brahima Haïdara trouvait qu’il serait intéressant
qu’une personne vienne pour les initier au dessin sur planche et à la D.A.O
(Dessin Assisté par Ordinateur) .
Ils ont tout le matériel à main d’un menuisier
traditionnel. Leur caisse à outils se compose
de vibrequin, varlope, rabot, maillet, marteau, tournevis plat, scies égoïne
etc. Le matériel est acheté à Niena. Il est importé de Chine car il est
moins cher que des outils confectionnés en Europe, mais il est aussi de moins
bonne qualité. L’acier des ciseaux, entre autre, peut se fendre lors de la
manipulation et devenir inutilisable. La colle blanche, importée de Côte d’Ivoire,
est aussi de moins bonne qualité. Les menuisiers sont très contents d’avoir
reçu de bons outils de la part de Joseph Brevet en 1988 et 1994. Ils s’en
servent encore souvent. Cette année le matériel est financé par le Conseil Général
des Yvelines et par Teriya Bougival. L’association des menuisiers dispose
maintenant d’un jeu de ciseaux, de bédanes, d’un marteau, de tournevis,
d’une équerre, d’une presse à cadres ainsi qu’une pierre à huile, de râpes,
de limes, de mètres en rouleaux et de crayons à papier. Les négociants de bois sont au nombre de dix dans
la ville. Deux d’entre eux vendent des panneaux reconstitués et les huit
autres du bois massif. Les prix exercés sont à peu près abordables pour les
menuisiers. Ainsi une planche de samba de 6 m de long, 32 cm de large et 4 cm
d’épaisseur coûte 8000 francs /CFA . Ils travaillent l’eucalyptus qui
pousse dans la région mais ne l’utilisent que rarement car il n’est pas très
résistant dans le temps. Il y a aussi beaucoup de manguiers dans cette région
mais son bois n’est pas utilisé en menuiserie .
Leurs besoins sont assez basiques, il leur manque surtout : Brahima
Haïdara Brahima
Haïdara est âgé de 45 ans, il est musulman pratiquant et père de 3 garçons.
Il est marié et a signé la polygamie. Il a pris la décision de rester avec
une seule femme car souvent elles ne s’entendent pas entre elles et il
manquerait de moyens financiers pour subvenir à leurs besoins. Deux de ses
enfants vont à l’école publique mais iront par la suite dans une école
coranique quand il aura plus d’argent .Cette année il est parti donner des
cours de menuiserie dans le village de Fachoubougou ( le hameau de Fachou) avec
une association Américaine (Winrock International). Les cours étaient
dispensés en Bambara. Il a enseigné à des jeunes qui étaient alphabétisés,
descolarisés ou non scolarisés. Il y avait 16 menuisiers mais aussi 22 mécaniciens,
41 peintres et 29 jardiniers qui faisaient des formations dans cette
association. Tous les élèves menuisiers ont réussi le concours et avaient la
possibilité d’aller dans un atelier à Sikasso pour se perfectionner. Au
cours de ce stage il a été rémunéré 10 000 francs CFA par jour sans compter
le logement et la nourriture. Jusqu’à aujourd’hui cette expérience n’a
pas été renouvelée. Cet
homme nous est apparu très investi dans l’aide qu’il apporte au village. La
journée, il travaille à son atelier en tant que menuisier, il n’est pas rare
qu’on le demande pour réaliser un certificat de travail ou des photocopies à
la maison de l’artisanat. Certains soirs de la semaine il y occupe le poste de
professeur de français pour les cours du soir. Pendant notre séjour, il a
participé activement à l’élaboration des meubles et ouvrages que
l’association Teriya a financé, et cela tout en gardant son emploi du temps
chargé. Avant notre départ, il y
a eu une distribution d’outils auprès de l’assemblée des menuisiers où étaient
présent Brahima Haïdara, Zoumana Sidibé, Fousseni Bamba, Oumar Diallo, Lamine
Diallo, Abdoul Diallo et Hamidou Bamba. Ceux–ci ont reproché à Brahima de ne
pas les avoir informés que Guillaume était venu à Niena pour travailler avec
eux. Nous pensons que ce malentendu aurait pu être évité et que personne
n’est réellement fautif. Guillaume leur a ensuite laissé le soin de se répartir
personnellement le matériel. Soumaida
Wattara
Soumaida
Wattara est un jeune de 25 ans. Guillaume l’a rencontré lorsque Brahima
réalisait pour lui un certificat de travail à la maison de
l’artisanat. Il est soudeur dans le quartier Babala à Niena mais a étudié
auparavant 5 ans dans une école
coranique avant d’arrêter et de rentrer dans un atelier de forgeron où il a
appris sur le tas. Il est venu à la maison de l’artisanat pendant une pause
accordée par son employeur. Il aimerait trouver du travail dans les mines de
Chama où il aurait un meilleur salaire et moins de problèmes aux yeux causés
par la soudure. Actuellement il travaille 7 jours sur 7 et 9 heures par
jour pour 500 francs CFA (15000 francs CFA / mois) au noir. Il ne peut
subvenir à ses besoins. Son rêve serait de venir travailler et habiter en
France mais il ne sait pas comment faire.
Apparemment beaucoup de jeunes de Niena ont le même désir. Réalisations
Guillaume est arrivé dans le but de
travailler avec les menuisiers de Niena afin de réaliser des meubles de
rangement pour les cartes de géographie que l’association Teriya Mali
fournissait à l’école publique. Il était aussi prévu de prendre quelques
initiatives si on en avait l’opportunité. Lorsque nous sommes allés
rencontrer le directeur de la section scolaire pour lui remettre les cartes,
nous lui avons demandé quel type de meuble conviendrait le mieux. Il a choisi
deux modules en contreplaqué « faraké » de la Côte D’Ivoire. Le
5 août Guillaume est parti avec Brahima pour acheter le bois et réaliser cet
ouvrage. Ils ont commencé le jour- même à couper les planches aux dimensions.
Lamine Diallo travaillait avec eux les premiers jours mais il a arrêté
lorsqu’il s’est aperçu que ce n’était pas rémunéré. Il ne pouvait pas
se permettre de travailler sans salaire. Une fois les deux meubles finis, nous
les avons amenés au directeur de l’école publique qui en a été satisfait .
Il
nous a demandé par la suite s’il était possible de les vernir pour les protéger
des insectes. Nous avons accepté. Ils
ont ensuite entrepris de réaliser deux scies de menuisier traditionnel car
Guillaume avait apporté des lames de France
qu’il n’utilisait pas et qui étaient de bonne qualité. Ce travail a
été très utile car ces scies leur ont servi régulièrement tout au long des
ouvrages. A la fin du séjour il les a donné à Brahima pour le remercier du
temps qu’il avait consacrer à travailler avec nous. Nous
avons eu une requête de la maternité qui nous demandait s’il était possible
de réaliser un banc pour que les femmes puissent s’asseoir. Nous avons répondu
favorablement et sommes partis acheter du bois massif. Nous avons confectionné
ce banc de la même manière qu’ils le fabriquent, c’est à dire avec des
pieds qui sont cloués et une barre en biais de chaque coté pour le rigidifier.
C’est une manière efficace de le réaliser car il est solide et il ne revient
pas cher. Moussa
Diallo a suggéré qu’il serait bien de faire trois tables basses pour la
concession car il lui restait 3 planches vernies qui étaient de bonne taille.
Celles-ci auraient notamment servi à l’occasion de la fête organisée à la
fin du séjour. Ils ont réalisé ces tables à la manière des menuisiers Français,
avec des assemblages collés tenons et mortaises. Les tables que les artisans de
Niena fabriquent sont assemblées avec des clous ce qui n’offrent pas une
bonne résistance. Ils pourraient faire des assemblages car ils les connaissent,
mais cela donne trop de travail par rapport au prix de vente. Maxime et Alban
sont venus se joindre à eux pour la fabrication car il y avait encore beaucoup
de travail et ainsi, ils ont pu finir assez rapidement et les amener ensuite à
la concession afin de les peindre. Lors
de la remise des livres au bibliothécaire de l’école publique une dernière
demande nous a été faite. Il s’agissait de modifier trois bibliothèques en
leur rajoutant des fonds et des côtés, d’en construire une nouvelle avec les
modifications apportées et de fabriquer trois bancs. Après discussion, nous
avons opté pour un nouveau meuble et un banc, car le budget comme le temps
restant à notre séjour étaient comptés. Alban est revenu travailler avec eux
et Muriana, Céline, Marie, Emilie, Fanny, Maxime, Oumar, Moussa, Fla Adama se
sont occupés de peindre et de fixer les dessus des tables et de vernir les deux
modules de cartes. Nous avons tout terminé la veille de notre départ de Niena
et nous avons rémunéré Brahima avec le reste du budget (soit 10 000 FRS CFA),
et quelques outils personnels que Guillaume lui a offert. C’est Moussa Diallo
qui s’est occupé de remettre les différents ouvrages à son retour de Bamako
où il a séjourné jusqu'à notre départ dans le but d’avoir un crédit pour
la coopérative des mangues.
Le
fonctionnement de la Maison de
l’Artisanat
Il y a douze corps de métier représentés à la maison de
l’artisanat. Le groupement de travailleurs le plus conséquent est constitué
par les réparateurs de motos qui sont au nombre de 22. Viennent ensuite les 18
menuisiers, les douze vannières, les neuf forgerons et soudeurs, puis les médecins
traditionnels. Au sein de ces quatre rassemblements, tous les membres payent une
cotisation et une somme de participation contribuant au fonctionnement et à
l’amélioration des locaux d’accueil. Sont également présents un
bijoutier, un horloger, un tailleur de vêtements, un mécanicien, une
tricoteuse et un sculpteur qui ont payé la participation mais pas la cotisation
mensuelle. Ce manque de moyens des participants handicape le fonctionnement de
la maison de l’artisanat et nous pensons que le
montant de cette cotisation est trop élevé. En effet, la cotisation est
la même pour tous les corps de métier, indépendamment du nombre d’artisans
qui y travaillent : quand un menuisier paye 250 francs CFA par mois, les
autres corporations payent 1000 francs CFA. Sachant que dans certains cas il
n’y a qu’une seule personne par secteur. Nous nous sommes demandés s’il
n’était pas plus juste d’uniformiser le montant de la cotisation par
personne et non par corporation. La maison de l’artisanat fait très peu de
recettes et fonctionne au ralenti à cette période car beaucoup de personnes
sont au champs. La salle informatique et la pièce où sont réalisées les
cours d’alphabétisation fonctionnent bien mais les autres sont très peu
exploitées. Ne faisant pas de bénéfices, beaucoup de cellules ne sont pas
encore électrifiées. Le
sculpteur
Adama Koumaré est forgeron sculpteur, il a fait son apprentissage à
Bamako lorsqu’il avait 18 ans. Maintenant il a 36 ans et il voyage de ville en
ville à la recherche de clients. Adama peut rester plusieurs mois dans une même
ville. Actuellement, il est à Niena et s’en ira quand il n’aura plus
d’acheteurs. Les clients viennent chercher ses œuvres chez lui.
A la fin du séjour, Guillaume lui a demandé
s’il était possible qu’il vienne une journée dans sa concession afin
d’apprendre à manier les outils qu’il lui avait fabriqué quelques semaines
auparavant. Il a accepté et Guillaume a ainsi pu réaliser une sculpture. Il y
avait un jeune qui venait traduire ce que le sculpteur expliquait en Bambara. Il
était bon pédagogue et Guillaume a vraiment appris beaucoup de choses ce jour
là. Les
bijoutiers de Niéna.
Il y a quatre bijoutiers à Niéna. Nous en avons rencontré deux, un à
la maison de l’artisanat et l’autre à côté de la place du marché. Ils
ont tous deux peu de bijoux en stock, environ trois ou quatre. Tous les bijoux
sont en argents car ils n’ont pas assez d’économie pour acheter de l’or
en matière première. Ils peuvent sur commande fabriquer des bijoux en or, mais
ils ont besoin d’être sûr de l’engagement de l’acheteur. Nous avons tenté
de commander un bijoux en or, mais nous n’avons pas pu nous engager auprès du
bijoutier car étant donné le prix du gramme d’or, nous n’avons pas voulu
prendre le risque de faire faire ce bijoux au cas où le résultat ne nous
plairait pas. La
mine d’or.
Nous
partons en bâché. C’est à environ 45 km de Niéna. Il pleut. La route est
traversée de courants d’eau impressionnants, nous avons l’impression de
rouler sur l’eau. Arriver
sur le lieu, nous avons été choquées par l’état de délabrement et de précarité
des habitations. Les paillotes sont recouvertes par des sacs de riz provenant de
Côte d’Ivoire et par des bâches en plastiques. Beaucoup des habitants du
village viennent de Guinée. Les mines se sont remises en service vers 1997 par
la découverte d’or par un guinéen. Jusqu’à cette date cet endroit était
considéré comme un lieu mystique ou l’on pensait que Dieu avait creusé des
trous et des galeries souterraines. Ces dernières constituent un réseau de
tunnels, certains mesurant plus de 100 mètres de long. Elles ont, en fait, été
creusé par les soldats du roi Kalcoon Moussa, empereur des Mandingues, vers les
années 1200. Nous
avons demandé à voir de l’or mais personne n’en avait. En fait, un
acheteur vient chercher l’or tous les matins. Nous avons rencontré les gens
au travail. Ils effectuent différentes taches. Certains allaient extraire la
terre dans les mines ; une femme pilait la terre ; un homme filtrait
la terre avec de l’eau sur une grande gouttière ; d’autres hommes
filtraient la terre dans des bassines et des calebasses. Les enfants travaillent
aussi, tout le monde est mis à contribution. Ils ne récoltent que très peu
d’or et c’est seulement au bout d’un très grand nombre d’heures de
travail que un gramme est récolté. Le gramme coûte entre 5000 et 7500 F CFA. Les habitants ne peuvent s’occuper que de l’or, la culture et l’élevage sont rendus difficile en raison de la présence des trous. En effet, le terrain est un vrai gruyère, il y a des trous tous les 5 à 10 mètres. Certains sont à nu, d’autres sont masqués par la végétation. Le terrain est donc très dangereux. |
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