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1- Suivi de la construction des deux classes

            Les travaux financés par Teriya sont dirigés à Niéna par deux principaux actants: Moctar Ballo est le maître d’œuvre et le gestionnaire des travaux du jardin d’enfants et de l'école Fasso Kanu. Daraman Dirré en est l’entrepreneur, il vit à Niéna. Moctar dispose d’un budget de 5 600 000 francs CFA  pour la réalisation des deux classes. Il est rémunéré à hauteur de 5% du budget soit environ 93 000 francs CFA par mois. Il estime la durée des travaux à trois mois. Ils ont commencé l’ouvrage en avance par rapport au planning mais ils ont été  ensuite freinés par le manque de moyen. A la date du premier août, 75 % des travaux étaient déjà réalisés. Au vue de ces petits changement d'emploi du temps, Moctar a modifié son planning prévisionnel. Jusqu’à cette période, six personnes participaient à la construction de la classe au jardin d’enfants, et huit ouvriers à celle de l’école Fasso Kanu.  Depuis,  ils ne sont plus que trois sur chacun des chantiers, l’argent faisant défaut.

            Moctar Ballo fait respecter les normes de sécurité afin qu'aucun risque ne soit pris au niveau des constructions (il surveille le dosage du ciment, du fer à béton pour assurer une meilleure fabrication et vérification de l’aplomb des murs par exemple). Les  constructions sont plus efficaces lors de la période d’hivernage car la pluie qui tombe à cette saison permet au ciment de ne pas sécher trop vite et évite par la même occasion l’embauche d’une personne supplémentaire pour arroser les murs. Sachant que le point d’eau est à un kilomètre, cela représente donc une économie d’eau et de main d’œuvre indéniable.

            Les ouvriers commencent à huit heures, et travaillent jusqu’à quinze heures sans pause. Mais s'ils travaillent de huit heures à dix-huit heures, ils peuvent en prendre une. Ils oeuvrent du lundi au samedi, et éventuellement le dimanche pour l’école Fasso Kanu.

            Le matériel utilisé pour la construction des deux classes est :
       7 mètres cube de sable fin
       7 mètres cube de sable tout venant (avec des graviers)
       7 mètres cube de gravier 
       4 moellons 
       5 tonnes de ciment
       parpaing, mortiers, béton
       environ 46 mètres linéaires de charpente métallique
       63 m2 de contre plaqué de 5 millimètres pour la réalisation des plafonds
       100 feuilles de taule  pour la toiture
       10 fenêtres pour les deux classes avec des volets
       de la peinture rouge tyrolienne pour l’extérieur des classes, sur une hauteur de un mètre à partir du sol, à l’initiative de Moctar
       à l’intérieur une peinture vive et claire
       deux portes (de deux battants) persiennes en métal

La chape n’est pas comprise dans la construction, faute de budget. Le directeur de l’école est satisfait de la construction de la classe, cependant il déplore un manque de table et de chaise pour la rendre fonctionnelle.  

 

Moktar Ballo

            Moctar réside habituellement à Bamako, en raison des travaux  pour Teriya il loge à la concession. La nourriture du midi et du soir est à son compte. Tous les matins il part vérifier l'avancement des travaux, et supervise également la construction de la nouvelle mairie, à la demande de l'entrepreneur. Lorsqu’il est dans la capitale il travaille aussi l’informatique à travers des formations de D.A.O (dessin assisté par ordinateur).

            Moctar nous à paru très sérieux dans son travail, faisant preuve d’ingéniosité. Par ailleurs nous nous sommes très bien entendus avec lui au quotidien. Toujours disponible et serviable, il a facilité notre insertion au sein du village et nous a permis de mieux comprendre son fonctionnement social.

         

Faso Kanu   

2- Le fonctionnement des différentes écoles.

             Selon le directeur du Centre d'Animation Pédagogique (C.A.P.), Niéna compte quatre écoles et un jardin d'enfants, qui accueillent les enfants de la ville et des villages alentours. Pour le moment seule l'école publique a un second cycle (de la 7ème à la 12ème année), mais l'école Fasso Kanu ouvre deux classes de second cycle l'année prochaine et espère ainsi l'instaurer progressivement.

            Toutes les écoles sont régies par le Centre d'Animation Pédagogique, qui coordonne et veille à leur bon fonctionnement. De cette façon chaque élève doit recevoir une éducation décente, conforme aux programmes officiels. Les directeurs des écoles publique et privée se réunissent d'ailleurs régulièrement pour échanger des idées, et travaillent également avec les différentes associations de parents d'élèves. Une réunion était prévue cet été pour préparer la rentrée prochaine par exemple.

            Comme en France, les écoles privées et publiques ne fonctionnent pas selon le même système. L'école publique dépend de l'Etat. Tous les professeurs sont payés par l'équivalent de l'Education Nationale et reçoivent leurs salaires chaque mois. Les écoles privées, par contre, ont leur gestion propre: les professeurs ne sont payés que pendant les périodes de cours grâce aux versements mensuels demandés à chaque famille (entre 2000 et 2500 francs CFA par mois, selon l'âge et la classe de l'enfant), et doivent trouver une autre source de revenus durant les trois mois d'hivernage. De même, les professeurs du public sont affectés suite à un concours, alors que ceux du privé sont employés selon les critères du directeur. On a ainsi remarqué que beaucoup d'étudiants, ne trouvant pas d'emplois dans leur branche, deviennent instituteurs.

            De manière générale les écoles publiques ont plus d'élèves par classe, car l'enseignement y est gratuit. Que ce soit à l'école publique de Niéna ou de Karangasso, on nous parlait de plus de 80 élèves par classe. Ce sureffectif crée de nombreuses entraves à l'enseignement: les enfants sont entassés sur les bancs et doivent souvent ramener eux- mêmes de quoi s'asseoir. Les professeurs aussi sont gênés, vu qu'ils ne peuvent pas circuler dans la classe, et n'ont pas d'espace propre entre le tableau et les élèves. Les cours étant magistraux, les élèves écoutent et recopient les leçons. Nous avons ainsi remarqué à plusieurs reprises que les enfants comprennent et parlent mal le Français alors qu'ils ont cours dans cette langue de 8h00 à 12h00 et de 15h00 à 17h00! Il est vrai qu'il leur manque beaucoup de matériels, surtout des supports écrits, et que les enseignants eux-mêmes sont obligés de préparer leurs leçons à partir de manuels souvent obsolètes. Le directeur de l'école publique, M. Konaté, nous a demandé des manuels scolaires de Physique- Chimie (surtout pour la 8ème année), d'Histoire- Géographie et de Français.

            Les effectifs dans les écoles privées sont plus raisonnables, puisque le directeur de Fasso Kanu, Issa Sangaré, parlait d'une quarantaine d'élèves par classe. Ceci peut expliquer leurs très bons résultats: les 48 élèves présentés au Certificat de Fin d'Etude Primaire du Cycle d'Enseignement Fondamental (C.F.E.P.C.E.) l'ont eu, et l'un d'entre eux a même été le major de la promotion régionale.

            Comme le fonctionnement de l'école publique et de Fasso Kanu a déjà été détaillé dans les rapports des jeunes précédents, nous avons avant tout tenu à parler de la nouvelle école de Niena, crée depuis un an. Nous avons pris connaissance de l'établissement privé  Sekulu grâce à la visite de son directeur, de deux professeurs et de certains élèves à la concession. Ils nous ont présenté des piécettes sur le thème de la maladie et du village, ont fait quelques récitations et chants en guise de bienvenue. Ils en ont profité pour nous parler de leur établissement, ouvert depuis Octobre 2004. Il a été crée par l'association de six anciens maîtres de Fasso Kanu, tous renvoyés suite à un différent sur les salaires. Il compte pour le moment 85 élèves allant de la 1ère à la 6ème année, dont les résultats semblent bons, puisqu'ils sont tous passés en classe supérieure. Leurs moyens étant limités, les classes sont disséminées, et quatre se situent en stand. Les mensualités versées par les familles (1750 francs CFA pour les enfants de la 1ère à la 5ème année, 2500 francs CFA pour ceux de la 6ème année) ne suffisent pas à financer leurs besoins, puisqu'ils espèrent construire trois salles de classes équipées en mobilier, trois latrines et un bureau- magasin.

 

3- Quelques interrogations et projets

             Que ce soit au niveau de la mairie, du C.A.P., de l'école publique ou de la population, on nous a demandé à maintes reprises pourquoi Teriya « privilégiait » l'école privée de Fasso Kanu plutôt que l'école publique, plus encombrée et surtout destinée à tous. Beaucoup ne comprennent pas en effet pourquoi Teriya finance la construction d'une nouvelle salle de classe dans un établissement payant, où les familles sont censées être assez aisées pour pouvoir payer l'éducation de leurs enfants. Nous avons rencontré des difficultés à faire face à leurs critiques, ne sachant quoi leur répondre. Nous pensions dans un premier temps que l'école publique était obligatoirement financée par l'Etat, puis nous nous sommes rendu compte que tel n'était pas le cas. Le premier cycle est à la charge de la mairie, alors que le second dépend du Cercle de Sikasso. L'établissement peut également recevoir des aides extérieures: Malamin Koné, le P.D.G. D'Airness, a ainsi financé la construction et l'équipement de trois nouvelles salles de classes, de deux latrines et d'un puit- forage (l'école ne disposait pas jusqu'alors de point d'eau). De tels investissements ont été très appréciés par la commune, mais ne semblent pas encore suffire à tous les besoins de l'établissement. On nous a plusieurs fois mentionné que des familles s'endettaient pour envoyer leurs enfants dans une école privée, où les effectifs sont moindres.

            De plus, toutes les écoles semblent nécessiter une clôture pour protéger les locaux des nuisances dues aux excréments des animaux. Fasso Kanu tente de réduire les dégâts en tapissant l'entrée des corridors avec des branchages, mais cela ne semble pas suffisant. Le directeur de l'école publique nous a demandé de parler de ce projet à la mairie, mais le maire ne semble pas prêt à investir dans de tels travaux.

            Ce qui nous a le plus intéressé reste le projet d'une cantine à l'école publique, car nombre d'élèves n'ont pas l'argent pour se nourrir décemment à midi. Ils s'achètent souvent quelque chose pour 100 francs CFA au bord du goudron ou recueillent des mangues dans « le parc » de l'école pour se remplir un peu le ventre. Ce manque de nourriture nuit à la concentration des jeunes. Pour cette raison, cet été la mairie a fait une demande de financement auprès du Programme Alimentaire Mondial, et le C.A.P. A également rédigé un rapport pour l'Etat à ce sujet. Ils ont peu d'espoir de recevoir une aide du gouvernement, car celui- ci semble privilégier les régions du Nord, plus pauvres. Nous avons également parlé d'une possible infirmerie, qui serait tenue par des enseignants formés aux premiers secours. Ils les apprenaient auparavant à l'I.U.F.M., mais la formation n'est plus dispensée. Il faut toutefois souligner que les élèves peuvent consulter gratuitement au centre de santé sous présentation de leur carnet scolaire. Ce système semble bien fonctionner, puisqu' Aboudraman Sanogo nous a dit qu'une quinzaine d'étudiants venaient chaque jour, même si les médicaments, eux, sont aux frais de la famille.

            Le dernier projet notable au niveau de la commune reste la planification de la construction d'un lycée à Niéna, ce qui éviterait que les jeunes partent vivre à Sikasso.

 

4- La bibliothèque

          La bibliothèque du village se situe dans l'enceinte de l'école publique. Elle est tenue par un professeur de dessin et de musique bénévole, Marimantia Coulibaly. Elle est ouverte à tous cinq jours par semaine de 8h à 12 heures, puis l'après- midi de 14h30 à 17 heures. Des emprunts sont même possibles pendant les vacances scolaires. Les villageois doivent s'inscrire pour prendre des livres, ce qui leur coûte 500 francs C.F.A. à l'année, 100 francs C.F.A. pour les élèves de l'établissement public. Ils peuvent alors ramener respectivement un ouvrage chez eux pendant une période de deux semaines ou d'une semaine renouvelable. Le système de prêt est soigneusement registré par le bibliothécaire dans un cahier. Dans le cas où une oeuvre serait égarée, le fautif doit payer une amende forfaitaire de 5000 francs C.F.A.

            Cette bibliothèque, bien que rudimentaire et disposant de peu de livres, apparaît très bien tenue. Monsieur Coulibaly a créé une boîte de fichier où il classe tous les livres et leur descriptif. Il ordonne également les oeuvres grâce à un système de cote, et les dispose sur les étagères selon leur catégorie (Histoire, Géographie, Sciences naturelles, Littérature africaine, Contes, Culture générale, ouvrages en Bambara ). Les usuels ne peuvent pas être empruntés et sont signalés par une cote rouge ( Dictionnaires, Encyclopédies). Il marque aussi les livres offerts par Teriya avec un  « T » sur la cote.  Nous lui avons remis un colis de classiques français offert par l'association, ce qui l'a rendu très satisfait.     

         Cette petite bibliothèque fonctionne bien et a une fréquentation correcte. Depuis qu'il a reçu une formation payée par l'état d'une durée de 4 jours pour faire de l'animation éducative, Monsieur Coulibaly organise des séances de lectures commentées et réflexives avec des classes du collège. Il tient également des ateliers plus ludiques avec des puzzles, ce qui plaît beaucoup aux enfants. Il nous a d'ailleurs demandé si nous pouvions lui en fournir quelques-uns uns.

            Cet endroit manque d'étagères et d'endroits où s'asseoir. Guillaume et Brahima ont commencé à répondre à ce besoin en travaillant à la construction d'un banc et d'un meuble de rangement mais cela reste insuffisant, d'autant plus que le bibliothécaire a recueilli des ouvrages laissés en désuétude au foyer des jeunes. Ils sont actuellement entreposés dans une salle annexe à la bibliothèque, se dégradent peu à peu, et restent inaccessibles aux lecteurs.

 

5- Le jardin d'enfants

          Créé en 1996 grâce à Teriya et sous la demande des villageois, le jardin d'enfants de Niena accueille aujourd'hui 84 petites filles et garçons en deux sections, et pourra augmenter son effectif avec l'ouverture d'une troisième classe en Octobre prochain. Tout d'abord entièrement géré par Teriya, il est maintenant reconnu par le ministère: deux des six animatricess sont d'ailleurs payées par l'état. Son statut de jardin communautaire lui permet également de bénéficier de la subvention « Pays Pauvre Très Endetté » (P.P.T.E.). Nous pouvons dire que le jardin d'enfants est un véritable succès, puisque 12 villages avoisinants Niena se sont regroupés afin de créer une structure similaire dans chacun d'entre eux en 2006. L'Etat est également séduit par ce concept, et envisage de le reproduire dans tout le pays. Niena est en effet un des premiers villages de brousse à bénéficier d'un établissement pré- scolaire accessible aux paysans, ce système étant principalement répandu en ville pour les enfants de riches.

            Il représente une aubaine pour les familles: en laissant leurs enfants en bas âge au jardin de 8heures à 11h30, les parents peuvent travailler plus librement. Quant aux enfants, il semble que la pré- scolarisation les éveille davantage. Ils sont souvent brillants en primaire, car ils sont déjà initiés aux tracés et à la lecture. Les directeurs des écoles publique et privée pensent tous deux que le jardin d'enfant devrait être obligatoire, au regard de tout ce qu'il apporte au niveau éducatif.

            Cette structure s'organise ainsi sérieusement, comme une véritable école privée. Chaque section est encadrée par deux animatrices ayant reçues une spécialisation pédagogique de la petite enfance. Elle est payante: les familles doivent donner 500 francs C.F.A. lors de l'inscription, puis verse une mensualité du même montant. Face à la difficulté de récupérer les cotisations de certains parents, le jardin d'enfant fait des efforts pour les plus pauvres, selon son gérant.      

 

6- L'alphabétisation

             Nous avons rencontré Kadiatu Koné, qui s'occupe des cours d'alphabétisation du quartier de Sokorani. Elle est l'exemple même de la réussite de ce projet, puisque avant d'être formatrice elle assistait aux premières leçons données par Rokiatu. L'initiative de Teriya a en effet connu un grand essor, puisque désormais chaque quartier possède sa salle de cours. A Sokorani, elles sont deux bénévoles à enseigner le bambara à environs 25 femmes.

            Les cours ont lieu tous les jours de 14h à 16 heures ou de 14h à 17h selon les quartiers. Ils se déroulent à la saison où il n'y a pas de travail aux champs, c'est-à-dire pendant seulement quatre mois dans l'année. Ils sont gratuits: comme nous l'avons dit les professeurs sont bénévoles, et Teriya finance le matériel de base nécessaire (les craies et les manuels). Les étudiants rapportent leur cahier et stylo.

            L'alphabétisation est ouverte à tous, mais seulement des femmes y assistent. Un homme est venu durant deux ans, puis a abandonné. En général se sont des femmes mariées ou mûres qui regrettent de ne pas avoir été à l'école qui y assistent le plus. C'est un moyen pour elles de se réunir régulièrement pour se cultiver: elles lisent chaque mois le journal en Bambara que Teriya offre par exemple. Même si elles doivent demander la permission à leur mari pour assister aux cours, elles y trouvent un moyen de s'émanciper intellectuellement. Elles y sont d'ailleurs généralement encouragées dans leur foyer la plupart du temps. Les Niénakas se rendent bien compte que l'alphabétisation leur permet de rendre leur vie quotidienne plus facile.

            Kadiatu Koné semblait très enthousiaste par cette formation qu'elle mène maintenant depuis cinq ans. Elle a tenu à remercier Teriya de son aide précieuse et a souligné à plusieurs reprises la contribution de ce projet dans l'amélioration des conditions de vie du village. L'instruction représente pour elle un point primordial, et elle tient à informer les femmes sur leur pays, l'Afrique et sur les thèmes liés au développement. Elle encourage ses élèves à s'appliquer en organisant des concours chaque année où les meilleures reçoivent des prix (bien souvent un peu d'argent).

 

7- Les cours du soirs

            Il s'agit cette fois d'alphabétiser les adultes en Français. Les cours se tiennent dans la grande salle de la maison de l'artisanat disposant d'un tableau et d'électricité. Ils sont ouverts à tous et dispensés gratuitement. Les élèves doivent juste prendre à charge le pétrole nécessaire à l'illumination de la classe, soit un litre de pétrole par soir. Au départ 69 personnes se sont inscrites, dont 8 femmes, mais seulement une vingtaine suivent les cours régulièrement, parmi lesquels 4 femmes. Ils sont animés par trois formateurs bénévoles (Mamadou Fané, Draman Traoré et Brahima Aïdra) qui dispensent les leçons à tour de rôle toutes les deux nuits. Les cours du soirs ont lieu cinq jours par semaine de 20 heures à 21h30, sauf pendant l'hivernage, consacré aux travaux des champs, ce qui représente une période de deux mois de relâche. Il était envisagé de créer deux classes de niveau différent, mais le manque de moyens les contraint à réunir les élèves en une seule. Pour palier à la différence de niveau existante, les animateurs recourent à des séances de révisions régulières.

            Trois d'entre nous, Guillaume, Muriana et Céline ont assisté à une séance exceptionnelle donnée en notre honneur par Brahima Aïdra. 12 élèves sont venus, dont une femme. Ils se sont assis sur des bancs face au tableau. Le cours commence par la lecture répétée d'un texte écrit au tableau: le professeur pointe chaque mot de sa baguette, le lit et demande aux autres de répéter. Cette méthode nous a amusé, car nous n'y sommes pas habitués. Il en est de même pour la façon dont les élèves réclament la parole, en claquant des doigts et en interpellant par des onomatopées leur professeur. Puis Brahima s'est servi du texte pour faire des rappels sur les constructions grammaticales, l'orthographe des mots ou encore leur sens. Lorsque les élèves ne comprenaient pas, il expliquait en Bambara. Le cours nous a semblé très vivant, les auditeurs participent beaucoup et suivent la leçon avec sérieux. Nous tenons à remercier et féliciter Brahima pour son investissement exemplaire et pour la qualité de son travail.   

 

8-  L'école, un moyen de développement?

             Nous pouvons parler aujourd'hui de démocratisation scolaire à Niena, et plus généralement au Mali. La plupart des enfants vont à l'école, du moins au premier cycle, ce qui n'était pas le cas pour leurs parents. S'instruire est considéré comme un privilège, et il nous a semblé que la majorité des petits étaient fiers de dire qu'ils allaient en classe. Ils aiment ainsi se faire photographier un stylo à la main, nous montrer qu'ils savent écrire, ou encore nous faire lire leur cahier de géographie. Les familles aussi démontrent un intérêt pour la scolarisation de leurs enfants. La preuve en est l'ouverture d'une nouvelle école, les projets de construction de jardins d'enfants en brousse, etc. . De plus, comme nous l'avons dit, beaucoup n'hésitent pas à investir une part du budget familial dans le financement d'un établissement privé pour leur assurer de meilleures conditions d'apprentissage.

            La population est très consciente de l'apport de l'alphabétisation et de l'instruction pour la vie quotidienne. Ils se rendent compte qu'un paysan instruit peu plus facilement améliorer sa manière de travailler la terre s'il peut lire les instructions des engrais ou encore calculer la taille de sa parcelle et ses semis. De même, l'école permet aux enfants de s'enorgueillir de ce qu'ils sont, dans le bon sens du terme. Lors de notre visite à Fasso Kanu, nous avons vu les traces d'un cours de primaire de la fin de l'année. Voici la lecture qu'ils étudiaient:                         « L'utilité du savoir

Dieu créa l'Afrique et le reste du monde, puis les hommes noirs et les hommes blancs. En Afrique, il plaça tout ce qui peut faire plaisir aux créatures humaines: des biches sans nombre pour les chasseurs, des rivières poissonneuses pour les pêcheurs, des fruits qui croissent sans peine, une température toujours chaude.

Dans le reste du monde il mit le froid, la glace, la neige, la terre ingrate, mais aussi les livres et le savoir qu'ils renferment. Il demande tout d'abord aux hommes noirs de choisir le pays qu'ils voulaient. Bien entendu les noirs choisirent l'Afrique et les blancs durent se contenter du reste du monde ». Ce texte nous a tous interloqué, car il permet une vraie revalorisation du pays: pour se sentir bien, il faut aimer sa terre et ce que l'on est, un sentiment qui peut être mis en péril par la difficulté de leur vie, pour reprendre leurs propos.

            Nous avons constaté que les jeunes Nienakas ont beaucoup d'ambition. Ceux qui vont au lycée ne se sentent plus obligés de prendre pour métier celui de leurs aïeux, et commencent à prétendre travailler dans des secteurs qui leur plaisent plus. Ils se sentent plus maîtres de leur avenir que leurs parents, qui étaient en quelque sorte conditionnés par leurs origines. Il convient toutefois de nuancer cette hypothèse, car beaucoup de jeunes ne trouvent malheureusement pas d'emploi dans la branche choisie, et sont totalement dirigé par le système scolaire. Baba Diallo nous a en effet expliqué que les orientations s'établissaient selon le niveau des élèves. Ceux- ci remplissent une fiche de souhaits, qui n'est souvent pas respectée. La note des candidats conditionne donc leur passage dans certaines sections. Baba Diallo par exemple voulait être comptable. Ses excellents résultats ont fait de lui un dentiste, une profession qui ne l'attirait pas dans un premier temps mais qui lui a cependant été attribuée. 

                        L'école sert d'instructeur mais aussi d'éducateur sur certains points. Dès le jardin d'enfants les petits affinent les règles d'hygiène de base, comme se laver les mains. Ils s'habituent également à des coutumes nouvelles, en se brossant les dents chaque matin avec une vraie brosse et du dentifrice. Cette initiative de Baba Diallo leur permet de prévenir des complications sanitaires fréquentes et facilement détournables. Les collèges servent aussi à l'information et à la prévention de sujets importants tels que la transmission des maladies sexuellement transmissibles ou encore sur la nécessité de ne pas tomber enceinte trop tôt et d'espacer les grossesses. M. Sanogo nous disait que l'année dernière encore douze jeunes filles de l'école publique de moins de quatorze ans attendaient un bébé. Pour lui les interventions du personnel de la santé et des associations en cours est le meilleur moyen de prévenir ce type de maux. Elles permettent aux jeunes de parler de thèmes totalement passés sous silence d'ordinaire et d'avoir de ce fait plus de recul. Alima, la jeune femme que nous avons questionnée, disait que suite à ses réunions elle a échangé des impressions avec ses copines et s'est même risquée à poser quelques questions, ce qu'elle ne pensait pas du tout faire avant. En ce sens, la scolarisation peut aider à l'amélioration de la santé et à l'émancipation. Elle est un germe qui ne demande qu'à grandir.

            L'école est pourtant encore loin de pouvoir assurer de bonnes conditions au débat et à la réflexion. Le sureffectif induit un mode d'enseignement magistral, ce qui ne laisse pas place au dialogue et au questionnement. Les méthodes éducatives se basent de ce fait sur la répétition et la mémorisation plus que sur l'imagination et l'initiative. Quoiqu'il en soit, elle représente un moyen de développement dans le sens où elle permet aux enfants de s'ouvrir au monde par l'instruction et l'information. Ils veulent se documenter, découvrir des choses, et sont obligés de rencontrer le monde de la ville s'ils veulent aller au lycée. Ils connaissent alors d'autres modes de vie, alimentant leur esprit de comparaison. Etre capable de s'interroger sur ses conditions de vie est sûrement un des premiers points pour le développement. Lors des questionnaires, beaucoup de jeunes s'interrogeaient sur les possibles moyens pour avoir de l'eau toute l'année au village ou encore l'électricité ... Il reste maintenant à savoir si la conjecture économique actuelle ne va pas les forcer  à quitter leur village pour gagner la ville, plus porteuse.

            L'école symbolise à nos yeux la société malienne actuelle. Encore très attachée aux traditions, formatée, elle ouvre néanmoins ses portes à l'information et à l'esprit critique, le pilier du développement social et économique. 

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Dernière modification : 14 janvier 2014